« Starbucks a imprimé sa marque verte et blanche aux rues des principales villes du monde, de Seattle, son berceau d’origine, à la côte Est, l’Europe et aujourd’hui la Chine, où une nouvelle enseigne ouvre toutes les quinze heures en moyenne – toutes les deux semaines à New York, dont les quartiers les plus centraux semblent pourtant saturés par le logo à la sirène. Avec ses quelque 28 000 enseignes dans plus de 75 pays et ses quelque 350 000 employés, la chaîne américaine de cafés se défend pourtant d’être une multinationale comme les autres. »
Le documentaire de Luc Hermann et Gilles Bovon (1h30), visible sur Arte replay jusqu’au 26 octobre 2018, enquête sur la réalité de la multinationale Starbucks et analyse minutieusement comment la marque a construit son succès. Une enquête passionnante sur l’histoire de cette multinationale, qui est aussi une championne de l’optimisation fiscale, et dont les réseaux d’approvisionnement sont loin d’être aussi écologiquement et socialement responsables qu’annoncé.
A lire sur le site de l’Obs, cette interview des deux réalisateurs qui expliquent comment a débuté leur enquête. Extraits :
Luc Hermann. – Avec Gilles Bovon, coréalisateur, nous sommes partis de l’aura de la marque. Lorsque le premier Starbucks a ouvert à Strasbourg, certains jeunes ont fait la queue dès 4 heures du matin pour… boire un simple café. Aussi bon soit-il, il est plutôt cher – le ticket moyen du consommateur s’élève à 7 euros. Cela est d’autant plus étonnant qu’il y a autour des brasseries absolument partout. Comment ce breuvage a-t-il pu devenir un tel produit de luxe ?
La multinationale bénéficie d’une très bonne image : cool, écolo, proche de ses clients, de ses employés, des producteurs de café… Et se revendique comme une marque haut de gamme, très sociale, engagée dans le commerce équitable, l’écologie… Nous avons enquêté sur ce qui se cachait derrière cet attrait.
Ils expliquent ainsi comment la firme a pensé ses cafés comme des « troisièmes lieux » et comment ses stratégies d’implantation relèvent d’une véritable « prédation territoriale » : deux concepts intéressants à analyser pour leur dimension géographique.
Howard Schultz, ancien PDG de Starbucks, qualifie les Starbucks de « troisième lieu ».
– Oui, entendez par là un lieu de conversations et d’échanges. Le sociologue Ray Oldenburg a théorisé ce concept, qu’il appelle « tiers-lieu » ou « troisième place » : un espace de rencontre entre la maison et le travail où les citoyens se réunissent, viennent débattre, parler politique… Dans la réalité, on voit surtout des individus qui, profitant de la connexion wi-fi, sont seuls devant leur Mac ou leur smartphone.
Votre enquête revient sur la stratégie d’implantation de Starbucks mise en lumière par Naomi Klein dans son livre « No Logo ».
– Oui, il s’agit d’une prédation de territoire. Dans un même quartier, de nombreux établissements ouvrent non loin les uns des autres, quitte à ce que certains ne soient pas viables économiquement. Cette saturation étouffe la concurrence.
Le gérant d’un café d’East Village, à New York, nous racontait qu’il a découvert, un jour, un architecte prenant des mesures dans son bar. Dans son dos, Starbucks avait contacté le propriétaire des murs afin de reprendre le bail. Le cafetier a ainsi perdu son commerce.Actuellement, la Chine est son nouveau terrain de conquête, on y ouvre un café toutes les quinze heures en moyenne.
