« Etre nu quelque part »

« Etre nu quelque part » est le sous-titre d’un ouvrage de la géographe Francine Barthe-Deloizy publié en 2003. Une belle formule pour interroger la géographie des plages nudistes, étudiée également par Emmanuel Jaurand dans cet article : « Les plages nudistes, une exception occidentale ? ».

Extraits  :

Dans un documentaire intitulé « Les nouveaux remparts de l’Europe » et diffusé le 29 mars 2005 par la chaîne de télévision Arte, une séquence d’un vidéaste amateur montre l’accostage d’une embarcation de migrants clandestins africains à Fuerteventura ; on comprend mieux l’étonnement qui se lit sur leurs visages quand on voit qu’ils ont débarqué sur une plage occupée par des dizaines de nudistes… Les 100 km qui séparent l’île canarienne du continent africain relèvent d’une interface active du monde, par les flux de personnes qui parcourent le bras de mer, et le contraste des perceptions de la nudité et des représentations du monde entre deux aires de civilisation. La plage nudiste est ici un lieu sur lequel des Africains en quête du paradis européen ont accidentellement débarqué. Pour les touristes européens qui la fréquentent, cette plage constitue un des lieux qui incarne le mieux le paradis terrestre, conformément au cliché établi par les auteurs nudistes eux-mêmes, comme dans Le naturisme, un paradis retrouvé ? (Delion, 1994).

Le regard géographique sur le nudisme porte sur la dimension spatiale de cette pratique sociale. Une première interrogation réside dans la répartition de l’antimonde nu par opposition au monde vêtu, en se limitant aux plages qui sont aujourd’hui les principaux espaces du nu collectif : quels sont les rapports entre ces plages nudistes et les limites des grandes aires culturelles, à l’heure de la mondialisation des flux touristiques ? Là où elles existent, ces plages nudistes révèlent des formes de territorialisation de l’espace public produites par la dénudation collective : recensées par des publications ou des sites internet, fréquentées par des individus ou des groupes, défendues contre d’autres formes d’usage des rivages ou partagées avec d’autres publics, comment ces plages ont-elles pu se constituer dans le jeu d’acteurs conflictuel qui caractérise l’espace public ?

jaurand - les deux grands types de plages nudistes

Emmanuel Jaurand a également interrogé la spécificités du littoral dans les représentations et les pratiques gays. A lire ici dans un article écrit avec Stéphane Leroy et intitulé « Le littoral, paradis gay ? ».