Le Marché d’Intérêt National de Rungis a fêté ses 50 ans en mars 2019 : c’est en 1969 que les Halles du coeur de Paris ont déménagé, pour s’installer en banlieue parisienne dans une vaste zone de près de 235 hectares (à titre de comparaison la surface occupée par le « Ventre de Paris » décrit par Zola n’en occupait que 5,5 !). L’événement fut considéré à l’époque comme le « déménagement du siècle ».


Le MIN de Rungis est quasiment une petite ville (plus de 12 000 personnes y travaillent), structuré en pavillons spécialisés : la marée (le pavillon A4, dont l’activité démarre à 2h du matin), les fruits et légumes, les produits carnés (viande bovine, porc, volailles), les fleurs, les produits laitiers. Impossible d’acheter au détail, impossible aussi de circuler à pied : tout est à l’échelle du camion !

Les grossistes installés à Rungis fournissent en produits frais toute la région parisienne.
Les poissons présentés au pavillon de la marée sont arrivés en camion frigorifique après avoir été négociés dans l’une des criées des ports de pêche français (une quarantaine, les plus importantes sont Dunkerque, Boulogne-sur-mer, Dieppe, Cherbourg, Saint-Quaix Portrieux). Beaucoup de poissons et de crustacés arrivent aussi directement par avion, du monde entier : crevettes de Madagascar, saumon élevé au Chili, etc.
A Rungis les grossistes vendent aux poissonniers de toute la région parisienne.
Viennent aussi se fournir ici les chefs de grands restaurants étoilés du monde entier, qui trouvent à Rungis des produits de grande qualité très spécifiques. Rungis alimente ainsi les tables de Londres, Dubaï ou Hong-Kong.
Du coté des fruits et Légumes, une partie des produits arrive par le train, tous les jours à 4 heures du matin : la gare est située directement dans l’enceinte du MIN et relie Rungis aux régions productrices du sud de la France (ligne Perpignan – Marseille – Paris, qui passe notamment par d’autres marchés d’intérêt national comme Châteaurenard dans les Bouches-du-Rhône).
Rungis apparaît vraiment comme un pôle majeur de l’organisation des flux de la géographie de l’alimentation, dont on perçoit bien la complexité et les différentes échelles.
Photos prises le 5 avril 2019 :







En savoir plus sur le quartier des Halles à Paris avec cet article du Figaro :« L’histoire secrète des Halles, du Ventre de Paris à la Canopée » (2016).
Extraits :
● 1137 : Création des Halles par Louis VI le Gros
Les origines des Halles de Paris remontent au XIIe siècle. Louis VI le Gros décide de créer un marché sur le lieu-dit des Champeaux, situé extra muros, à l’endroit d’anciens marécages. Ce marché va très rapidement prendre de l’ampleur. Quelque six siècles plus tard, sous le règne de Louis XVI, une nouvelle Halle aux blés est construite en 1769 et le cimetière des Innocents est transformé en marché aux fleurs, fruits et légumes. Ces changements s’avéreront insuffisants. À la fin de l’Ancien Régime, les Halles souffrent déjà de réels problèmes d’engorgement et d’hygiène.
● 1852: Le «Ventre de Paris» imaginé par Victor Baltard
En 1852, sous le Second Empire, un immense projet est confié à l’architecte Victor Baltard. Il ne construit pas moins de dix pavillons en métal et en verre, chacun ayant sa spécialité (viande, légumes, poisson…). À l’époque, ces constructions sont considérées comme une véritable révolution architecturale.
L’atmosphère des Halles a inspiré notamment Émile Zola, qui décrira avec génie la vie des vendeurs et des grossistes dans son roman Le Ventre de Paris, publié en 1873. Les Halles y sont dépeintes comme un monde florissant où rien n’existe à part la nourriture, la beauté, la richesse et la prospérité.
«Le trottoir s’était peuplé ; une foule s’éveillait, allait entre les marchandises, s’arrêtant, causant, appelant. (…) On venait d’ouvrir les grilles du pavillon aux gros légumes ; les revendeuses de ce pavillon, en bonnets blancs, avec un fichu noué sur leur caraco noir, et les jupes relevées par des épingles pour ne pas se salir, faisaient leur provision du jour, chargeaient de leurs achats les grandes hottes des porteurs posées à terre. Et Florent s’étonnait du calme des maraîchères, avec leurs madras et leur teint hâlé, dans ce chipotage bavard des Halles».
Billy Wilder en fera un décor de film dans la comédie Irma la douce (1963), avec Jack Lemmon et Shirley Mac Laine.
● 1969: Le «Trou des Halles»
Après avoir ravitaillé Paris pendant des nombreuses années, les Halles, jugées insalubres, sont détruites en 1969. La démolition et la reconstruction vont durer 10 ans. Laissant un énorme espace vide en plein cœur de Paris, le quartier est renommé par les habitants le Trou des Halles.
De son coté, le grand marché est transféré à Rungis, au sud de la capitale,entre le 27 février et le 1er mars 1969. Cette opération, considérée à l’époque comme étant le «déménagement du siècle», concerna 20 000 personnes, 1000 entreprises de gros, 5000 tonnes de marchandises et 1500 camions. Ce nouveau site ouvre officiellement ses portes les 3 et 4 mars 1969, après cinq ans de travaux gérés par le cabinet d’architecture et maîtrise d’œuvre Georges Philippe et Henri Colboc.