Victor Hugo – 1846 – Discours sur la consolidation et la défense du littoral

Messieurs, si on venait vous dire : Une de vos frontières est menacée ; vous avez un ennemi qui, à toute heure, en toute saison, nuit et jour, investit et assiège une de vos frontières, qui l’envahit sans cesse, qui empiète sans relâche, qui aujourd’hui vous dérobe une langue de terre, demain une bourgade, après-demain une ville frontière ; si l’on vous disait cela, à l’instant même cette chambre se lèverait et trouverait que ce n’est pas trop de toutes les forces du pays pour le défendre contre un pareil danger. Eh bien, messieurs les pairs, cette frontière, elle existe, c’est votre littoral ; cet ennemi, il existe, c’est l’océan. (Mouvement.) Je ne veux rien exagérer. M. le ministre des travaux publics sait comme moi que les dégradations des côtes de France sont nombreuses et rapides ; il sait, par exemple, que cette immense falaise, qui commence à l’embouchure de la Somme et qui finit à l’embouchure de la Seine, est dans un état de démolition perpétuelle. Vous n’ignorez pas que la mer agit incessamment sur les côtes ; de même que l’action de l’atmosphère use les montagnes, l’action de la mer use les côtes. L’action atmosphérique se complique d’une multitude de phénomènes. Je demande pardon à la chambre si j’entre dans ces détails, mais je crois qu’ils sont utiles pour démontrer l’urgence du projet actuel et l’urgence d’une plus grande loi sur cette matière.

Victor HUGO – 1846 – Chambre des Pairs – Discours sur la consolidation et la défense du littoral (extrait)